vendredi 24 octobre 2014

Anna Maria Forssberg (Armémuseum, Stockholm) : Informer, célébrer et expliquer la guerre. Te Deum en France et Suède 1610-1710

Abstract/Résumé

Abstract

The period of 1610-1710 was marked by warfare in both France and Sweden. The ever ongoing conflicts consumed huge amounts of money and led to the death of hundreds of thousands of men. Wars were common, yet not uncontroversial. Even though rulers were supposed to protect their subjects, they were not supposed to start war without good reasons. Yet new wars emerged all the time. These basic facts lead up to a simple and yet complicated question: how were the wars and the costs that came with them legitimized?
One of the most important media for telling the story of war in the early modern period both France and Sweden were the days of thanksgiving or Te Deum. These ceremonies form the basis of analyses in my forthcoming book The Story of War. Church and propaganda in France and Sweden in the 17th century. The book is divided into three parts – Information, Celebration, Explanation - dealing both with the content of the thanksgiving texts and the actual ritual of thanksgiving. One could say that the days of thanksgiving somewhat defined war, while at the same time mediating an idealized picture in strong contrast to people’s actual experience of it.
There are both similarities and differences in the ways wars were described and explained. The descriptions of battles do seem to follow a common genre and God has a natural place in both countries. It is, however, evident that the French ruler, much more than his Swedish counterpart, is depicted as the master of war. The Swedish king (or queen) is described more as God’s creature. In Sweden days of thanksgiving were regarded to be important occasions of information and a way of avoiding defeatism among all inhabitants. French Te Deum did primarily target the élites such as parlements, city councils and other high officials. This is true also for the ceremonies that in France were formed as elaborate processions in which the locale élites paraded before the people. The hierarchical marked both the processions and the placement in church. In Sweden the élites were not the government’s first concern: the priority being that the ceremonies were celebrated in all churches in Sweden.
These differences are linked to the diversion of economic power in the two countries, and in a long time perspective it had consequences beyond the politics of the day. In Sweden huge resources – both soldiers and money – could be taken from the subjects without any peasant uprisings. In France the lack of communication with the third estate led to numerous revolts during the 17th century and a revolution in the century to come.
There was a common story of war, but also different ways of framing it. In fact the greatest difference was not the content of the story but rather who was included in it. In Sweden it was a story about all inhabitants forming God’s chosen people and fighting together, whereas in France it was a story about a godly, dutiful king and his amazing victories.


Résumé

La période 1610-1710 fut marqué par des guerres à la fois en France et en Suède. Les conflits permanents ont coûte d'énormes sommes d'argent et ont mené à la mort des centaines de milliers d'hommes. Les guerres étaient courantes, mais pouvaient prêter à controverse. Les souverains étaient supposés protéger leurs sujets, mais ils n'étaient pas supposés commencer une guerre sans de bonnes raisons. Malgré cela de nouvelles guerres émergeaient tout le temps. Cet état de fait conduit à une question simple mais pourtant compliquée : comment les guerres et leurs coûts étaient-elles légitimées ?
Un des moyens les plus importants pour raconter l'histoire de la guerre à l'époque moderne, aussi bien en France qu’en Suède, étaient les journées d'action de grâce ou Te Deum. Ces cérémonies forment le fondement pour mes analyses dans mon prochain livre L'Histoire de la Guerre : Église et propagande en France et en Suède au XVIIe siècle. Le livre est divisé en trois parties – Information, Célébration, Explication – partagée à la fois par le contenu des textes de l'action de grâce et le rituel de l'action de grâce tel qu’il était mené. On pourrait dire que les journées d'action de grâce définissaient en quelque sorte la guerre, tout en véhiculant d’elle une image idéalisée qui contrastait avec le vécu des populations.
On trouve à la fois des similarités et des différences dans la façon dont les guerres étaient décrites et expliquées. Les descriptions des batailles semblent suivre un genre commun et Dieu a une place naturelle dans les deux pays. Il est cependant évident que le souverain français, bien plus que son homologue suédois, est représenté comme le maître de la guerre. Le roi (ou la reine) suédois est plus décrit comme une créature de Dieu. En Suède, les jours d'action de grâce étaient considérés comme étant des occasions importantes pour informer la population et un moyen d’éviter le défaitisme parmi celle-ci. Le Te Deum français était principalement destiné aux élites telles que les parlementaires, les conseillers des villes et autres membres de la haute administration. C’est le cas aussi pour les cérémonies en elles-mêmes qui, en France, constituaient en une procession élaborée dans laquelle les élites locales paradaient devant le peuple. La hiérarchisation imprégnait à la fois la procession et le placement dans l'église. En Suède, les élites n'étaient pas la première inquiétude du gouvernement : la priorité était que les cérémonies soient célébrées dans toutes les églises en Suède.
Ces différences sont liées à la divergence de pouvoir économique entre les deux pays, qui, dans une perspective à long terme, avait des conséquences au-delà des politiques quotidiennes. En Suède, d'énormes ressources – à la fois en soldats et en argent – pouvaient être pris aux sujets sans aucune révolte paysanne. En France, le manque de communication avec le tiers-état mena à de nombreuses révoltes pendant le XVIIe siècle et, plus tard, à une révolution.
Il existe une histoire commune de la guerre, mais aussi différents moyens de la mettre en scène. De fait, la plus grande différence n'était dans pas le contenu du récit, mais plutôt qui était inclus dedans. En Suède, c'était une histoire à propos de tout un peuple, élu de Dieu, luttant ensemble, alors qu'en France il s'agissait d'une histoire à propos d'un roi saint et dévoué et de ses victoires extraordinaires.